Qui n’a jamais évoqué lors d’une discussion, voire d’un échange passionné, le concept de la légitime défense, s’insurgeant parfois d’une situation où le défenseur se retrouve face à la loi alors qu’il semblait n’avoir fait que défendre légitimement sa personne ou son bien ? Entre conviction intime et législation, il y a parfois un écart significatif.
La légitime défense est un concept souvent cité et pourtant trop souvent dévoyé de son essence et de ces principes.
Article 122-5 du code pénal : les conditions de la légitime défense.
« N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte ».
Cette phrase de 3 lignes encadre alors des milliers de situations possibles et imaginables. Il convient ainsi d’en décrypter chaque mot puisqu’ils sont lourds de sens.
» N’est pas pénalement responsable la personne qui… «
En France, le code pénal dans son article 121-1, cite que nul n’est responsable pénalement que de son propre fait. Ainsi, tout citoyen est donc pénalement responsable de ces actes. Si la responsabilité civile se contractualise, la responsabilité pénale reste et restera toujours l’affaire de son auteur.
Avec la légitime défense, nous faisons face à une cause d’irresponsabilité pénale, un état de nécessité, c’est-à-dire une notion juridique qui consiste alors à autoriser une action illégale pour empêcher la réalisation d’un dommage plus grave.
» devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui... «
On parle ici de non-justification sur le plan légale, et pas d’une atteinte qui serait injustifiée au sens moral. Ainsi, un individu se défendant par exemple contre un représentant de la loi qui agirait dans l’exercice légal de ces fonctions, ne ferait pas affaire d’une atteinte injustifiée. L’individu se défendant face à la réplique d’une personne agissant elle-même déjà en état de légitime défense, ne constituerait pas non plus une atteinte injustifiée, bien au contraire.
L’atteinte peut être tournée vers soi-même, mais également pour autrui ! Ce principe vertueux autorise alors l’intervention d’une tierce personne, qui agirait en état de légitime défense pour protéger un autre individu. On peut intervenir en état de légitime défense pour autrui !
L’article 122-5 du code pénal précise même que la légitime défense peut être appliquée au bénéfice de l’empêchement ou de la cessation de l’exécution d’un crime ou d’un délit contre un bien dès lors que l’acte de défense accomplit n’est pas un homicide volontaire !
» accomplit, dans le même temps un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui… «
L’accomplissement immédiat, instantané, est une obligation. Dès lors que l’agression n’est plus immédiate mais passée, il n’y a là plus justification du caractère nécessaire. La défense doit être nécessaire et pour l’être, l’agression doit être immédiate. L’agresseur qui se retourne pour partir, qui fuit, qui ne se montre plus menaçant ou qui devient inoffensif ne permet plus une défense légitime. De même, si l’agressé peut réaliser une action différente pour se soustraire à l’agresseur, il doit la privilégier (par exemple : se mettre en sécurité si cela est possible aisément et sans risque).
» sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte… «
C’est en ces termes que trop souvent notre analyse pêche. On aurait tendance à penser que la proportion ici est entre la nature de l’atteinte et celle de la défense. Par exemple, l’agresseur envoyant une gifle, devrait se retrouver lui aussi gifler à son tour. Une deuxième gifle en réplique du défenseur devenant alors disproportionné. Mais la loi du Talion ne s’applique pas ici, « œil pour œil, dent pour dent » n’est pas affaire de légitime défense. Ici, la proportion se doit d’être entre le moyen de défense employé et la gravité de la menace subit alors par le défenseur. Face à un agresseur muni d’une arme blanche, la gravité de la menace est la mort. Le défenseur peut dès lors, répliquer avec tout moyen pouvant donner la mort à son agresseur.
Pourquoi un tel principe ? Parce qu’il serait bien trop difficile d’estimer la valeur équitable des moyens d’agressions et de défenses employés ! Le défenseur muni d’une pioche serait-il défendable contre l’agresseur muni d’une pelle ? Y aurait-il proportion entre un couteau et une épée ? Quelle serait la valeur d’un coup de poing d’un agresseur habitué aux sports de combats, face à celui d’une jeune défenderesse n’ayant jamais pratiqué ? Combien de coups de poings pourrait-elle rendre pour que ceux-ci « vaillent » celui du boxeur ? Ce terrain serait bien trop glissant pour le législateur.
Il n’existe pas de présomption en légitime défense (sauf…)
La légitime défense se doit d’être prouvée. Devant un juge, les preuves du caractère légitime se devront d’être amenées pour que le juge puisse considérer l’état de défense légitime. Il existe cependant deux cas dans lesquels l’individu sera présumé avoir agi en état de légitime défense. L’article 122-6 du code pénal cite alors :
– Pour repousser de nuit, l’entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ;
– Pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence.
La légitime défense, une affaire de jurisprudence
La jurisprudence désigne l’ensemble des décisions de justice relatives à une question juridique donnée. Il s’agit donc de décisions précédemment rendues qui illustrent comment un problème juridique a été résolu.
Lors d’un jugement, il est très fréquent que celui-ci soit rendu de la même façon qu’il a été rendu pour des affaires similaires, en invoquant la jurisprudence.
En résumé, les critères de la légitime défense sont …
L’ATTAQUE DOIT-ÊTRE :
• Dirigée sur une personne ou un bien
• Injustifiée
• Actuelle
LA DÉFENSE DOIT-ÊTRE :
• Proportionnée
• Nécessaire
• Actuelle
Le concept de la légitime défense est enseigné en formation pour les agents de prévention et de sécurité, une évidence puisque cette règle légitime leurs interventions physiques dans certains cas. Tout bon professionnel se doit dès lors de la maîtriser sur le bout des doigts s’il ne veut un jour s’exposer aux risques d’une poursuite juridique.